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18.5.2022
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Innover en pharmacie pour réinventer la relation patient et le parcours client
Innover en pharmacie pour réinventer la relation patient et le parcours client
Pierre Boullier
Robin Bruniaux

La crise sanitaire a mis en évidence l’urgence, pour la pharmacie d’officine, d’entamer pleinement son virage digital. Car l’actrice historique du quotidien des français se confronte désormais à une concurrence inédite : celle des GAFA, des startups spécialisées et des acteurs des technologies de pointe, à la recherche de diversification. De nouveaux entrants sur le marché de la santé, dont le flux incessant d’innovations technologiques bouleverse le modèle économique établi et annonce la fin d’un monopole.

Quelles sont les technologies capables d’accompagner la transformation des espaces et l’évolution des parcours client ? Quels sont les leviers qu’il faudra actionner prioritairement ? Symétrie des expériences numériques et physiques, développement de la vente en ligne, passage à l’échelle : trois opportunités se distinguent pour réinventer et moderniser l’officine.

Lors de la pandémie du Covid-19, les longues files d’attente devant les officines ont témoigné de la limite des systèmes d’informations utilisés par les pharmacies et d’un parcours digital trop parcellaire pour répondre aux besoins de chacun. Conseils personnalisés, informations à la demande, transparence sur la disponibilité de certains produits : nos attentes évoluent et font évoluer avec elles l’espace de vente, devenu un véritable front-office physique. Voilà pourquoi l’officine doit renforcer sa capacité à proposer des services sur-mesure. Nous en sommes convaincus : l’enjeu est désormais celui de la symétrie, entre une expérience digitale et une expérience concrète, sans couture pour les patients. Pour cela, des questions liées à l’organisation, aux plateformes officinales et à la montée en compétences des pharmaciens se posent.

De nouveaux concurrents qui transforment le marché et favorisent l’innovation

Les officines doivent également se préparer à la concurrence croissante des pure-players du e-commerce et à une éventuelle désintermédiation de la pharmacie « physique » : transformation numérique du back office, généralisation des services digitaux BtoC, développement de la vente en ligne. Un challenge qu’elles pourront relever en s’appuyant sur les groupements d’officines, auxquelles 93% d’entre elles appartiennent, selon une étude réalisée en janvier 2021 par Pharmed’Insight. D’autant plus que la puissance de ces groupements et leur capacité d’innovation à l’échelle, favorisent déjà la transformation du marché et l’apparition de nouvelles offres concurrentielles (programme de fidélité, nouveaux services…) malgré le retard accumulé dans ce domaine.

En effet, en mars 2020 seulement 3,1% des officines françaises étaient dotées d’une plateforme en ligne, contre 13% en Allemagne ; la vente en ligne de médicaments sans prescription représentait quant à elle moins de 2% du marché, contre 15 % en Allemagne, d’après l’Ordre des pharmacien — ANSM.
Un bilan qui empêche actuellement les officines de faire face à la montée en puissance des pure players, d’Amazon Pharmacy et des hypermarchés intégrant des espaces de parapharmacie. Et bien qu’il soit impossible de prédire l’arrivée de ces disrupteurs en France, une réorganisation s’impose ; car aujourd’hui 21% des clients d'Amazon et 29 % des membres Prime achèteraient chez Amazon Pharmacy.

La solution n’est pas nécessairement ultra-technologique

Et la solution n'est pas nécessairement ultra-technologique. À titre d’exemple, le no-code permet de développer des plateformes à moindre coût et sans compétences en développement. Ainsi, pour accompagner la pharmacie de demain, nous pourrions imaginer une application qui rassemblerait : le profil du patient, les pharmacies à proximité, les disponibilités de son pharmacien (pour un rendez-vous ou une téléconsultation) et la possibilité de commander ses médicaments en ligne.
Car les utilisateurs d’Uber ou de Deliveroo ne sont pas différents de ceux qui poussent la porte de l’officine. Toutefois, répondre à l’évolution des exigences en matière d’expérience client ne doit pas se faire au détriment des patients les plus fragiles ou les plus éloignés du numérique. L’innovation ne peut être un obstacle au parcours de soin ; et pour qu’elle demeure vertueuse et inclusive, elle doit nécessairement s’organiser autour de la singularité des besoins et de la protection des données de santé.

Construire des espaces différenciants

En ce sens, les officines gagneraient à proposer des espaces différenciants, intégrant notamment :

  • Des pôles d’accueil, avec des comptoirs d’orientation sur lesquels des écrans digitaux proposeraient aux clients un questionnaire simple, favorisant une prise en charge rapide.

  • Des boxes pensés pour les entretiens et la délivrance des ordonnances, qui offriraient des espaces de confidentialité fermés. Des médicaments personnalisés pourraient y être élaborés par une imprimante 3D.
M3DIMAKER, l’imprimante 3D développée par FabRx qui lance la médecine personnalisée


  • Des boxes plus médicalisés, dédiés aux protocoles de tests et de vaccination.
L’espace de confidentialité de la pharmacie de Thierry Roussin, à la Roche-sur-Yon (Vendée)


  • Un espace e-santé avec un comptoir à objets connectés (tensiomètres, oxymètres), une cabine de télémédecine et une zone click & collect où les patients pourraient retirer les commandes effectuées sur Internet.

La cabine de téléconsultation Tessan de l'Officine des Quatre saisons, à Armentières

Et la place des équipes officinales dans tout ça ?

Le succès des officines de demain repose aussi sur la montée en compétences des pharmaciens, en matière d’accompagnement et de conseil, car il leur reviendra d’y faciliter la délivrance des produits, des services et des informations. Une opportunité de développement qui s’ajoute à celle que génère l’augmentation des prescriptions en pharmacie, depuis l’assouplissement du cadre réglementaire de la télémédecine en 2019.

De la même façon, le déploiement de cabines de téléconsultation offrant un accès rapide à des médecins généralistes ou à des spécialistes, permettrait aux pharmaciens de se positionner comme des acteurs de la lutte contre la désertification médicale. Et ainsi, d’investir plus fortement la mission de service public qui les oblige.

Un parti pris que certaines pharmacies renforcent déjà, à l’image de MonOrdo, à Toulouse. Dans cette officine, le conditionnement médicamenteux est partiellement pris en charge par un support technologique et les linéaires traditionnels ont disparu au profit d’un espace d’accueil. De quoi consacrer une place plus profitable à la relation patient.



La pharmacie d’officine, comme notre système de santé, n’est qu’au début de sa transformation. Et si la crise sanitaire a amplifié la nécessité d’y développer des expériences hybrides et de meilleure qualité, elle n’a pas donné à ce secteur les moyens d’y parvenir. Pourtant, ces opportunités d’innovation pourraient se concrétiser, si les groupements d'officines et les laboratoires pharmaceutiques — aux moyens élevés — se rapprochaient. Ainsi, la pharmacie d’officine pourrait augmenter durablement sa compétitivité face aux acteurs émergeants, unifier les acteurs du parcours de soin autour des patients et positionner les pharmaciens sur des missions à plus forte valeur ajoutée.

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