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Stratégie d'entreprise, Valeur, Décryptage
17.11.2022
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La faillite de FTX va renforcer la quête de sens des crypto-monnaies
La faillite de FTX va renforcer la quête de sens des crypto-monnaies
Arthur de la Brunière

Note d'analyse presse — Paris, le 17 novembre 2022 — par Arthur de la Brunière, senior analyste Web3, Consulting, EY Fabernovel

« Le Lehman Brothers de la crypto », « après WeWork, la destruction de capital la plus rapide de tous les temps », « la chute du roi de la crypto » les formules chocs ne manquent pas pour décrire la fraude et la faillite de la plateforme FTX, qui jette un nouveau coup de froid sur l’hiver déjà installé du marché des crypto-monnaies. 

Alors qu’octobre avait déjà été relevé comme le mois affichant le plus de hacks de protocoles, avec quelques 760 millions de dollars volés, la fameuse « cryptosphère » se retrouve une nouvelle fois fragilisée. Pour rappel, le total cumulé des hacks de crypto-monnaies en 2022 s’élève à 2,98 milliards de dollars, un record.

Ce nouveau cataclysme laisse sans voix un écosystème qui s’était notamment construit autour de l’une des principales plateformes d’échanges du marché, ainsi que son fondateur Sam Bankman-Fried, « l’altruiste efficace » très impliqué dans la régulation américaine et interlocuteur privilégié des autorités fédérales. Il intervient tout juste après les déboires de Terra (LUNA) et de Celsius plongeant le secteur dans une crise de confiance et d’usages plus qu’une crise de liquidités dans un marché baissier.

Centralized Exchanges (CEX) : « not your keys, not your crypto »

Les plateformes d’échange centralisées (CEX) sont une bonne première porte d’entrée sur le marché de la crypto-monnaie. En effet, elles sont simples d’utilisation et proposent régulièrement des offres pour leurs investisseurs ainsi qu’un large choix de crypto-monnaies. 

Pour autant, tout comme les banques traditionnelles, elles présentent un risque pour les utilisateurs en cas de crise : si tout le monde cherche à retirer son argent d’un échange en même temps et que cet échange a placé les fonds de ses utilisateurs ailleurs — ou pire, les a prêté à sa filiale Alameda Research pour du trading quantitatif, allant à l’encontre des ses engagements légaux — l’échange ne peut plus couvrir tous les retraits et est contraint de les bloquer.

Or, double peine dans le cas de FTX : dans la nouvelle économie, celle des tokens, les usagers qui détiennent du FTT, le token de FTX, font partie des investisseurs de la plateforme. Dans le Web3, faire peur à ses usagers, c’est faire peur à ses investisseurs, donc voir fondre la valeur de son token et, dans le cas de FTX, son capital. 

Pour éviter de s’exposer à ce genre de risque d’illiquidités, les experts conseillent régulièrement de sortir ses cryptos des plateformes sur lesquelles le client — particulier ou entreprise — n’a pas la main sur ses actifs. Not your keys, not your crypto.

FTX, une plateforme « trop petite pour être sauvée » ?

Bien que ces plateformes centralisées ressemblent fortement aux acteurs bancaires traditionnels, une différence majeure subsiste : ces plateformes CEX ne sont pas « too big too fail », ou même, pas assez grandes pour être sauvées, par des investisseurs privés comme publics. En effet, si les banques grecques ont été contraintes de limiter ou bloquer les retraits en juin 2015, comme a dû le faire FTX il y a quelques jours suite aux révélations de ses liens avec Almeda Research, les unes ont pu être aidées, l’autre non. 

Mais la comparaison s’arrête ici, car si c’est bien une crise de liquidités qui semble avoir été le premier domino de la faillite de FTX, les enquêtes qui ont suivies laissent entrevoir une fraude globale et massive beaucoup plus grave de la part de Sam Bankman-Fried.

Vers la nécessité de construire un écosystème durable

Cet événement permettra sûrement d’accélérer la régulation du marché, nécessaire pour rassurer ceux qui s’efforcent encore de construire un écosystème durable (#BUIDL) malgré le contexte.

Mais cette crise de confiance, que ce soit des utilisateurs, des entreprises comme des investisseurs, ne pourra véritablement être surmontée qu’en s’efforçant de s’orienter vers une direction plus raisonnable. Jeremy Allaire, fondateur de la plateforme opensource The Circle, expliquait dans un tweet le 8 novembre dernier qu’ « il est impératif que nous passions résolument de la phase de spéculation des crypto-monnaies à la phase de ‹ valeur utilitaire ›, et cela doit être ancré dans des pratiques radicalement plus ouvertes et transparentes. La bonne nouvelle, c'est que les fondations qui ont été construites avec l'infrastructure crypto et les blockchain publiques nous donnent les éléments nécessaires pour développer des services financiers avec une transparence radicalement plus importante que celle que nous avons connue jusqu'à présent. »

La quête de la démocratisation d’usages plus vertueux et transparents (objet d’ailleurs d’une étude EY Fabernovel et Arbevel « Web3 : les 5 usages à potentiel vertueux »)  doit laisser sa place aux usages spéculatifs. 

Pour ne citer que deux exemples de la maturité technologique du secteur : Ethereum a réussi, sans d’ailleurs faire de vague médiatique, sa grande fusion vers un consensus beaucoup moins consommateur d’énergie, et l’utilité et l’efficacité de la technologie blockchain quand elle est utilisée de manière publique n’est plus à démontrer, en termes de partage de la donnée, transparence et sécurité. A l’inverse, cette actualité met en lumière, une nouvelle fois, les usages non raisonnables d’une technologie, pour qui la spéculation et la fraude sont le centre névralgique. 

De plus, il faut aussi prendre du recul tant les comparaisons qui font les gros titres représentent des échelles différentes. Quand Lehman détenait 639 milliards de dollars d’avoirs juste avant de devenir la plus grande faillite au monde, FTX aurait déclaré entre 10 à 50 milliards d’avoirs, soit une échelle plus de 12x inférieure à Lehman pour l’estimation la plus haute. Idem en faisant l’exercice avec la valorisation haute de FTX à 32 milliards de dollars en la comparant à la fonte de capitalisation boursière de près de 20% des quatre GAFA réunis sur un trimestre entre le 20 août et le 17 novembre 2022, ce qui représente 1 215 milliards de dollars.

Se positionner en tant qu’entreprise 

Pour se lancer dans des projets de NFT ou liés à la crypto-monnaie, les entreprises doivent avant tout commencer par le b.a.-ba : une connaissance suffisante du sujet, et un contrôle des risques — financiers, légaux, fiscaux, et liés à la réputation… Une due-diligence exhaustive doit permettre de sélectionner des partenaires robustes ; un modèle opérationnel adapté au Web3 doit être mis en place pour construire ses projets en gardant la main sur ses assets, et faire la bascule entre échanges centralisés et gestion interne.

A propos de l’auteur : Arthur de la Brunière, senior analyste Web3, Consulting, EY Fabernovel

Arthur est senior analyste Web3 chez EY Fabernovel, il accompagne les entreprises dans leur transformation d’innovation, participe à l’acculturation des entreprises sur ces nouveaux sujets du Web3 et analyse le marché des crypto-monnaies. Il est également responsable de la recherche et développement lié à l’écosystème Web3 au sein d’EY Fabernovel en expérimentant et testant en temps réel les technologies et cas d’usages de la blockchain, des smart contracts, des NFT.

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