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Stratégie d'entreprise, Valeur, Décryptage
16.10.2017
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L'économie de l'IA pour les nuls
L'économie de l'IA pour les nuls
Tom Morisse
Note : Ce contenu a été créé avant que Fabernovel ne fasse partie du groupe EY, le 5 juillet 2022.

Dans votre lecture, vous serez peut-être surpris de ne trouver aucune occurrence des mots « intelligence artificielle » ou des termes connexes. Cela s’explique par le fait que le boom actuel de l'IA est trop récent pour avoir produit des concepts ou des écoles de pensée nouveaux. Pour l'instant, maîtriser l'économie de l'IA signifie comprendre les termes de l'analyse économique issus de la révolution industrielle et de l'ère numérique.

Si vous souhaitez voir définie une autre notion économique, envoyez-moi un courriel et je mettrai à jour cet article en conséquence. :-)

**Statistiques & économétrie **

Valeur nominale / réelle : les économistes distinguent les valeurs nominales et les valeurs réelles. Les valeurs nominales sont exprimées en prix courants tandis que les termes réels sont exprimés en prix constants. La différence est d'une importance considérable car les valeurs réelles « effacent » les effets de l'inflation.

Prenons un exemple : si, en 2016, votre salaire a augmenté de 10%, était-ce une bonne chose ? Eh bien, cela dépend de l'augmentation parallèle des prix. Si l'inflation était supérieure à 10%, cela signifie que votre salaire réel a diminué, votre pouvoir d’achat a donc diminué. Si l'inflation était inférieure à 10%, cela signifie que votre salaire réel a augmenté, votre pouvoir d’achat connaît donc une augmentation.

L'étude de l'évolution des indicateurs en valeurs réelles permet aux économistes d'évaluer le véritable impact du développement technologique.

Taux de chômage / taux d'activité / taux d'emploi : malheureusement, mais sans surprise, cette série de termes prête à confusion pour beaucoup de personnes. Nous entendons généralement parler du taux de chômage dans les statistiques officielles : c'est le ratio des chômeurs divisé par la population active totale (= quantité de personnes occupant un emploi - employées - ou essayant d'en avoir un - sans emploi).

Mais il est loin de constituer la seule mesure pertinente pour jauger de l'état du marché du travail. Il existe 2 autres indicateurs importants :

  • Taux d'activité = population active totale / population en âge de travailler (c.-à-d. en général la population âgée de 15 à 64 ans, mais il est possible de compiler des statistiques en fonction d'autres tranches d'âge).
  • Taux d'emploi = quantité de travailleurs occupant un emploi (NB : chômeurs exclus) / population en âge de travailler.

Pourquoi cette distinction est-elle critique ? Parce qu'il n'est pas impossible que, par exemple, le taux de chômage augmente en même temps que le taux d'emploi ! Cette situation peut se produire si le nombre d'emplois augmente plus rapidement que la population, mais moins que la population active.

Moyenne / médiane : la moyenne et la médiane sont utilisées pour calculer la valeur « centrale » d'un jeu de données.

La moyenne d'une variable est la somme des valeurs mesurées divisée par le nombre de mesures. Un exemple simple en dit plus que mille mots : si 5 collègues ont des salaires de 30 €, 35 €, 40 €, 45 € et 50 € respectivement, le salaire moyen est alors : (30 + 35 + 40 + 45 + 50) / 5 = 40 €.

La médiane est la valeur qui divise la population en deux moitiés de taille égale. Dans notre exemple simple, il y a 5 valeurs, donc la médiane est la troisième valeur (lorsque les mesures sont triées par ordre croissant) : soit 40 €.

Notez que la moyenne et la médiane d'une population statistique ne sont pas toujours égales ! Ajoutons un nouveau collègue, gagnant un salaire de 100 €. La moyenne devient (30 + 35 + 40 + 45 + 50 + 100) / 6 = 50 €, alors que la médiane est maintenant de 42,5 € (s'il y a un nombre pair d'observations, prenez la moyenne des deux valeurs centrales pour la calculer).

Nous voyons que la médiane est une mesure plus robuste car elle est moins affectée par les cas particuliers - mais il n'est pas toujours possible de la calculer, puisque tout le classement des observations est nécessaire pour le faire.

Les mesures d'inégalité utilisent généralement la médiane comme indicateur de choix.

Quartiles / déciles / percentiles : quartiles, déciles et percentiles se rapportent aux valeurs d'observations qui séparent un ensemble de données en respectivement 4, 10 et 100 parties de taille égale. Ils sont toujours rangés de la même manière : par exemple, en ce qui concerne la répartition des salaires dans une population donnée, plus le décile est élevé, plus vous êtes riche.

À l'instar de la médiane, les quartiles, les déciles et les percentiles sont utilisés pour évaluer le niveau des inégalités. Par exemple, pour évaluer la répartition des salaires mentionnés ci-dessus, un indicateur commun calculé est le ratio interdécile (D9 / D1) : le salaire au-dessus duquel vous appartenez aux 10% supérieurs divisé par le salaire en-dessous duquel vous appartenez aux 10% inférieurs. Plus ce ratio est élevé, plus la répartition est inégale.

Contrôle d'une variable : les économistes construisent des modèles pour trouver des corrélations significatives (et, si possible, des liens de causalité) entre variables. La variable dépendante est celle que vous voulez expliquer (par exemple, la productivité par employé dans une entreprise), les variables indépendantes sont celles que vous utilisez comme raisons potentielles pour les variations de ces dernières (par exemple, la part des employés hautement qualifiés, ou l'investissement dans les TIC par employé).

Lorsque vous lisez dans un article économique «,_nous avons contrôlé la variable X _», cela signifie simplement que les chercheurs ont inclus X comme variable indépendante dans leur modèle. Pourquoi le contrôle des variables est-il une préoccupation majeure pour les économistes ? Parce que vous voulez éviter que votre modèle soit « pollué » par d'autres facteurs explicatifs.

Revenons à notre exemple : si vous souhaitez tenir compte de l'impact des compétences de la main-d'œuvre d'une entreprise et de l'importance des TIC dans ce lieu de travail au niveau de la productivité, vous voudrez probablement contrôler le niveau de salaire. Étant donné qu'il existe probablement un lien entre le salaire et la productivité, mais que ce n'est pas ce que vous essayez de mesurer, vous devez donc l'inclure explicitement dans le modèle afin d'obtenir une estimation « plus pure » de l'impact des autres variables, celles qui vous intéressent vraiment.

Innovation & croissance

Productivité : comme l'explique l'INSEE, la productivité se définit comme « _le rapport, en volume, entre une production et les ressources mises en œuvre pour l'obtenir _». Les 2 principaux facteurs généralement considérés sont les capitaux (par exemple, les machines) et le travail (le temps de travail des salariés).

La productivité du travail est souvent mesurée en divisant la production par le nombre d'heures travaillées ou par le nombre de salariés. Et parce qu'une production est mesurée pour une période donnée, l'apport en capital relié devrait également être mesuré pour la même période : c'est pourquoi la productivité du capital n'est pas obtenue en divisant la production par le stock de capital (c'est-à-dire la valeur des actifs utilisés pour la production) mais en divisant la production par le flux de ce qu'on appelle les services de capital (par exemple, plutôt que d'utiliser la valeur d'un immeuble comme apport en capital, en mesurant le loyer équivalent que vous devriez payer ou que vous pourriez tirer du bâtiment).

Une notion incroyablement importante lors de l'évaluation de l'impact de l'innovation sur la croissance est appelée la productivité totale des facteurs (PTF ou productivité multifactorielle, PMF) : c'est la variation de la production qui n'est pas prise en compte par la variation de la main d'œuvre ni par la variation de l'apport en capital. La PTF est donc attribuée aux effets des innovations technologiques ou organisationnelles.

Décomposer le taux de croissance du PIB en contributions distinctes des différents apports s'appelle la comptabilité de la croissance.

Stagnation séculaire : la thèse selon laquelle, dans les décennies à venir, il sera impossible d'atteindre les taux de croissance économique du milieu du 20e siècle, en utilisant les statistiques de croissance historiques comme point de départ (en effet, les taux de croissance du milieu du 20e siècle semblent être inaccessibles aujourd'hui) :

Les facteurs explicatifs suggérés varient : beaucoup tournent autour des causes de la politique monétaire, mais certains experts soulignent aussi un impact moindre des nouvelles technologies sur la croissance économique (par exemple, que les effets de la machine à vapeur ou de l'électricité étaient beaucoup plus significatifs que l'avènement des ordinateurs et d'Internet).

Un partisan de la thèse de Stagnation séculaire, l'économiste Robert Gordon souligne 4 vents contraires pour les 25 à 40 prochaines années :

  1. Démographie : dans les années 2000, le taux de d'activité a commencé à diminuer.
  2. Éducation : la transition de la population vers l'enseignement supérieur est terminée.
  3. Augmentation de l'inégalité des revenus.
  4. Augmentation de la dette publique (en part du PIB).

De plus, Gordon minimise les arguments des techno-optimistes. À son avis, le rythme du progrès technologique ne sera pas plus rapide que ce qui s'est passé au cours des dernières années, et les forces technologiques ne parviendront pas à contrebalancer les 4 principaux vents contraires.

Le paradoxe de la productivité : cette notion est liée à la théorie de la Stagnation séculaire. En effet, nous pouvons la voir comme son précurseur. Comme Wikipedia le définit parfaitement, « le paradoxe de la productivité se réfère au ralentissement de la croissance de la productivité aux États-Unis dans les années 1970 et 80 malgré un développement rapide dans le domaine des technologies de l'information au cours de la même période ».

Certains expliquent le paradoxe de la productivité en soulignant les gains de productivité les plus importants tirés d'innovations antérieures telles que l'électricité. D'autres soutiennent que les indicateurs économiques traditionnels ne parviennent pas à saisir les avantages découlant de la révolution informatique en cours (par exemple, au-delà de la baisse des prix, l'amélioration de la qualité des produits).

Institutions : l'économiste Douglass North définit les institutions comme étant « les règles du jeu dans une société ou, plus formellement, des contraintes humainement conçues qui structurent les interactions politiques, économiques et sociales ». D'une manière générale, les institutions sont donc à la fois (i) englobantes et (ii) des structures souples d'une économie. Les institutions peuvent être économiques (par exemple, les relations client-fournisseur habituelles au sein des entreprises, le système de droits de propriété), sociales (par exemple, la structure familiale typique) ou politiques (par exemple, le système de vote).

Les économistes de l'innovation étudient attentivement les institutions afin de comprendre celles qui sont plus propices à l'innovation et à la croissance. Par exemple, quel est le système qui conduit à une plus grande innovation entre d'une part les brevets rigoureusement appliqués dans la Silicon Valley, et de l'autre la culture shanzhai d'imitation rapide répandue dans la capitale de l'électronique qu'est Shenzhen ?

Externalité : «_ une externalité est le coût ou le bénéfice qui affecte une partie qui n'a pas choisi d'engager ce coût ou cet avantage_ » (merci encore, Wikipedia) ; elle peut être positive ou négative. Les externalités négatives sont presque toujours illustrées par des problèmes environnementaux. Ainsi, une usine déversant des déchets toxiques dans une rivière génère des externalités négatives pour le système d'irrigation ou pour les pêcheurs en aval. Les externalités positives sont plus liées à l'innovation : par exemple, une entreprise qui développe un logiciel pour utilisation en interne, puis l'ouvre comme projet open source, crée des externalités positives pour toutes les autres personnes ou organisations qui le réutiliseront gratuitement.

Les entreprises à la frontière : dans les études sur les différences d'innovation et de productivité entre les entreprises, ce terme peut être trompeur. Le nom « frontière de l'innovation » est un concept relatif qui se rapporte aux entreprises les plus novatrices ou les plus productives (par exemple les 10% les plus importantes). Par conséquent, cela ne doit pas être interprété comme une référence absolue, c'est-à-dire des entreprises qui utiliseraient tel ou tel ensemble de technologies de pointe. Même si, bien sûr, nous nous attendons à ce que les entreprises les plus productives soient plus technologiquement avancées que leurs concurrentes.

GPT (General-Purpose Technology ) : une technologie avec ces 3 caractéristiques clés:

  1. « Omniprésence - La GPT doit se propager dans la plupart des secteurs.
  2. Amélioration - La GPT doit s'améliorer avec le temps et devrait donc réduire les coûts pour ses utilisateurs.
  3. Catalyseur d'innovation - La GPT doit faciliter l'invention et la production de nouveaux produits ou procédés. » (résumé de Bojanovic & Rousseau)

Des exemples de GPT sont la machine à vapeur, le moteur électrique et les ordinateurs. Deux questions principales se posent concernant les GPT : (i) quelles technologies peuvent être classées comme telles ? et (ii) quelle est l'importance des GPT pour la croissance économique ?

Echangeable / non échangeable : les biens et les services échangeables peuvent être produits en un endroit et consommés dans un autre (par exemple, les voitures) alors que les biens et services non échangeables doivent être produits et consommés au même endroit (par exemple, un coiffeur). Cette distinction est essentielle pour évaluer l'impact de la mondialisation sur les économies nationales. Et en ce qui concerne l'innovation, la question à un milliard est la suivante : à quel point les nouvelles technologies contribuent-elles à transformer les biens et services non échangeables en biens échangeables ? (Pensez à la télémédecine par exemple).

Grande récession : terme utilisé par les économistes pour décrire la récession qui s'est produite à la suite de la crise financière de 2007-2008. Aux États-Unis, elle a duré de décembre 2007 à juin 2009. Elle est considérée comme la récession la plus sévère depuis la Grande Dépression des années 1930.

Marché du travail

Le capital humain : théorie clé utilisée par les économistes pour analyser l'évolution du marché du travail et de la productivité du travail, qui consiste à affirmer que « les individus possèdent un large éventail de compétences et d'attributs qui leur permet de retourner sur le marché du travail. Les compétences sont durables, dépendantes du contexte [c.-à-d. la valeur des compétences dépend du secteur, de l'évolution des technologies qui peuvent être des compléments ou des substituts], et répondent aux investissements [c.-à-d. investir dans l'apprentissage entraîne des compétences supérieures ou supplémentaires], qui constituent certaines des propriétés clés du capital physique traditionnel. » (Eric Nielsen)

Les différences de capital humain sont donc utilisées pour tenir compte des différences de salaires ou de niveaux d'emploi au sein de la main-d'œuvre.

Mutations technologiques favorisant les compétences ou Skill-Biased Technical Change (SBTC) : alors que la science économique considère habituellement les mutations technologiques comme neutres en ce qui concerne la demande pour des niveaux de compétences différents, l'hypothèse du SBTC souligne une transformation de l'impact des nouvelles technologies au cours des dernières décennies : les technologies sont devenues maintenant très complémentaires aux compétences, et favorisent la demande de travailleurs qualifiés par rapport aux travailleurs non qualifiés (les compétences étant généralement mesurées selon le niveau de scolarité).

Skill premium : c'est la différence entre les salaires des travailleurs qualifiés et non qualifiés. On considère généralement que cette prime s'est élargie au cours des dernières décennies, le SBTC étant considéré comme un facteur majeur.

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