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4.11.2020
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Est-ce la fin des cookies ? - Partie 3
Est-ce la fin des cookies ? - Partie 3
Clarisse Bolignano
Juliette Poyet
Note : Ce contenu a été créé avant que Fabernovel ne fasse partie du groupe EY, le 5 juillet 2022.

Alors que l’Etat vient d’autoriser la publicité ciblée et/ou segmentée à la télévision, Google Chrome annonce le retrait d’ici 2 ans des cookies 3rd party - si une solution équivalente est trouvée d’ici-là (pour comprendre exactement ce que cela veut dire, rendez-vous sur les deux premiers articles de notre série, ici et ici.)

Les cookies tiers sont des cookies principalement publicitaires, qui permettent aux régies publicitaires et éditeurs d’en connaître un peu plus sur les audiences qu’ils touchent. Ces connaissances permettent à leur tour de diffuser des campagnes publicitaires à des segments de population dont on sait qu’ils sont la cible de l’annonceur. Ainsi les campagnes publicitaires auront un reach plus faible mais des performances bien meilleures.

La RGPD permet déjà de limiter le dépôt de cookies dans son navigateur, elle permet également d’informer les utilisateurs sur l’utilisation finale de ses données. Grâce à cette loi, les utilisateurs ont déjà la possibilité de bloquer toute sorte de cookies.

La grande question est, naturellement : “dans ce cas-là, pourquoi Google se tire-t-il une balle dans le pied en retirant un outil si précieux au ciblage ?”

C’est une bonne question : en effet, Google tire une part importante de ses revenus de la publicité. Mais la réponse est simple : les utilisateurs sont mieux informés - ou plutôt, ils sont désormais au courant de la collecte de leurs données et imaginent le pire. C’est pourquoi des acteurs comme Safari et Mozilla Firefox, qui ne tirent pas de profit de la publicité, ont déjà bloqué leur cookies 3rd party. Safari a, en plus, grandement limité les cookies first party, qui sont supprimés au bout de 25h (conséquence : l’utilisateur ne peut pas être reconnu comme étant le même utilisateur s’il vient 2 fois sur un site à 2 jours d’intervalle.)

Google Chrome n’est pas aussi radical que Safari dans ses annonces, mais se voit - poussé par ses concurrents et la pression de l’opinion générale - poussé à réagir à son tour. Au risque de perdre sa place de leader du marché (60% de part de marché en 2019).

Ce que ça change ? Pas mal de choses. Pour connaître toute l’étendue des conséquences, rendez-vous sur notre article sur le sujet, mais en quelques lignes : sans les cookies 3rd party, les utilisateurs peuvent dire au revoir au capping publicitaire - et bonjour à la sur-pression publicitaire. Car un cookie 3rd party, en suivant un utilisateur sur toute sa navigation, sait les contenus publicitaires auxquels il a été exposé. Cibler les prospect chauds ne sera plus possible car le retargeting repose également sur les cookies 3rd party.

D’où les vifs débats depuis l’annonce de Google : celle-ci a sonné comme la fin du monde pour le marketing digital. Du moins, c’est ce qu’estiment certains, alors qu’il existe en vérité plusieurs solutions pour pallier ce “manque à gagner”.

On peut catégoriser les solutions en deux grandes familles : celles qui sont développées en réaction à cette annonce et qui ont pour seul but de faire face à cette perte de données et une seconde dont les solutions existent déjà et dont les avantages peuvent être nombreux mais qui ne sont pas encore largement implémentés, et nous verrons pourquoi.

Commençons par le premier type de solution et par la plus populaire : Liveramp. Il s’agit d’un CRM-onboarding, une solution qui permet de digitaliser votre base CRM. Pour faire simple, Liveramp dispose ainsi d’une grande table de matching, grâce à laquelle une information comprise dans votre base CRM pourra vous permettre de connaître l’ID de cette personne dans plusieurs outils comme des régies publicitaires, des outils d’A/B testing et autre. Par exemple, si l’ID de votre cookie est “123” dans la régie Google Ads, il pourra vous dire, grâce a sa table de matching, que c’est le cookie “ABC” dans AB Tasty. Liveramp va donner à chaque personne un ID unique propriétaire permettant ainsi, à la manière d’un cookie, de reconnaître cette personne au cours de sa navigation.

Google et le W3C cherchent eux aussi à construire des solutions permettant de répondre à ce nouveau manque de données tout en garantissant l'anonymat des utilisateurs sur le web. Ces solutions open-source permettent à tous les volontaires de définir l’écosystème de demain.

Concernant le deuxième type de solution les alliances data pourraient tirer leur épingle du jeu elles aussi. Les alliances data sont des regroupements d’annonceurs et/ou d’éditeurs partageant leurs données entre membres de l’alliance ou en revendant des données à des tiers. Gravity, l’une des plus grandes alliances comprenant énormement d’éditeurs comme Challenges, BFM ou Skyrock mais également des annonceurs comme Darty et La Fnac, peut imaginer développer un Single Sign On (SSO) permettant de reconnaître les utilisateurs sur tous les sites webs partenaires. Ceci pourrait également résoudre le problème de reconnaissance cross-device, où les cookies 3rd party sont impuissants.

Pour le moment ce type d’alliance utilise les cookies 3rd party. En effet, quand les alliances parlent de leur reach, elles parlent du nombre de cookies. Le SSO est un travail de longue haleine, et les alliances ont ainsi tendance à se tourner vers une solution plus simple : la personnalisation on-site. C’est-à-dire avec les données 1st party qu’elles collectent, comme la source d’acquisition, l’heure de connexion ou la page d'atterrissage (par exemple, pour les éditeur, l’article lu par l’utilisateur). Grâce à la date science elles sont ensuite capables de définir à quel segment de population cette personne appartient et ainsi diffuser de la publicité en fonction.

Le SSO et la personnalisation on-site sont des techniques précises efficaces qui ne sont pas réservées aux éditeurs : les annonceurs peuvent s’en saisir également. Pour le SSO, il peut y avoir des conflits si un annonceur de l’alliance est votre concurrent, mais il doit être possible de trouver des terrains d’entente ! Pour la personnalisation, certains annonceurs commencent timidement à se lancer. Demain, cette pratique sera indispensable, en effet avec cette perte de visibilité en dehors de vos assets digitaux, il faudra pallier le manque à gagner avec les données 1st party, c’est-à-dire vos données. Aujourd’hui on estime que seulement 1% des données récoltées par une entreprise sont utilisées, il y a donc beaucoup de choses à faire. En effet, en connaissant mieux vos clients, en améliorant leur expérience utilisateur grâce à la personnalisation mais également en analysant les performances de vos assets digitaux vous pouvez améliorer les performances au global. De plus, miser sur ses données c’est s'émanciper des géants de la pub.

Perdre les données 3rd party implique un chamboulement du marketing digital, un retour en arrière sur certains points. Mais ce n’est pas une fatalité, des solutions existent déjà, que ce soient des solutions toutes faites, des initiatives collaboratives ou une nouvelle façon de penser son écosystème de données. Il faut prendre ce tournant, être proactif pour s’adapter aux consommateurs et être acteur de l’avenir de la données marketing et non être en réaction du contexte législatif.

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