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Design Strategy
23.1.2018
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“Un bon produit naît d’un mariage parfait entre la tech et le design”
“Un bon produit naît d’un mariage parfait entre la tech et le design”
Nadia Biryukova
Note : Ce contenu a été créé avant que Fabernovel ne fasse partie du groupe EY, le 5 juillet 2022.

Quel est votre parcours ? Comment vous a-t-il amené à travailler dans le product management ?

À la sortie de Supélec, j’ai travaillé deux ans chez Fabernovel qui m’a donné le goût de l'entreprenariat. En 2013, je suis partie à New York pour monter ma start-up - une application mobile basée sur un réseau de proximité. C’est à ce moment-là que je suis tombée dans la « marmite du produit » : j’ai commencé à m’intéresser à l’UX (Expérience utilisateur, NDLR) et au métier de product manager mieux connu aux Etats-Unis à l’époque.

À mon retour en 2015, je n’ai pas cherché tout de suite un rôle de product manager, encore peu répandu en France. J’ai d'abord cherché une startup qui accordait de l’importance au produit et qui concevait un produit dont j’étais fan. C’est ainsi que j’ai rejoint Lydia au moment de la phase de conception de la nouvelle version de l’application, puis KissKissBankBank pour créer le pôle Produit.

Il y a peu de temps les formations au product management n'existaient pas. Comment êtes-vous devenue CPO ?

J’ai appris toute seule sur le terrain, en m’intéressant à des sujets qui constituent le Produit : les méthodes de développement, l’UX, l’Analytics. Mon expérience entrepreneuriale m’a beaucoup appris. D’abord, parce que j’ai travaillé avec des développeurs et des designers exceptionnels qui m’ont donné le goût du Produit. Ensuite, parce que j’ai rencontré des product managers inspirants lors de Meetup à New York. Pour m’inspirer, je lisais le blog de Julie Zhuo, VP Product design de Facebook qui explique comment faire travailler ensemble designers et ingénieurs, ou encore le rôle de product manager et la façon dont il s’entend dans différentes boites. Je me suis aussi formée sur Product Hunt, j’étais une des premières à faire partie de la communauté, une de mes grandes fiertés ! D’ailleurs je continue encore tous les jours à aller sur Product Hunt pour stimuler ma créativité et découvrir de nouveaux produits.

Selon vous, quelles sont les compétences nécessaires pour devenir CPO ?

On donne souvent le triptyque : design, engineering et analytics. En réalité, aucun product manager n’a les trois compétences. C’est mon cas avec un background d’ingénieur. Je pense également qu’il est difficile d’exercer ce métier sans avoir la sensibilité au développement, notamment avec des petites équipes. Le product manager est le pont entre la tech et les problèmes des utilisateurs qui remontent de partout et qui sont le « fuel du produit », comme j’ai l’habitude de le dire. Cela ne veut pas dire être développeur, cela veut juste dire être intéressé, poser des questions, essayer de comprendre. Il faut aimer travailler au contact des développeurs et des développeuses. C’est un des points clés quand on veut devenir product manager. Il faut aussi un bon sens humain, de l’humilité et un leadership naturel. Pour moi, un bon produit naît d’un mariage parfait entre la tech et le design. Le product manager doit faire en sorte que ce mariage tienne.

Pensez-vous qu’un bagage technique est nécessaire pour être product manager ?

Dans mon équipe j’ai des product managers qui n’ont pas du tout le background technique. En revanche, ils s’y intéressent vraiment et n’ont pas peur de se poser à côté d’un développeur pour comprendre les points bloquants. Personnellement, j’ai fait pas mal de code, développé une partie de l’application pour ma start-up, cela donne un plus en quelque sorte. Mais je dirais que parfois ça me dessert, et j’essaie de tout oublier ! J’ai des amis développeurs qui sont devenus product managers. Ils disent qu’il ne faut surtout pas entrer dans des débats techniques parce que ce n’est pas notre rôle de faire des choix techniques. Donc, ce n’est pas grave de n’avoir jamais développé, il faut juste ne pas avoir peur de s’y intéresser.

Pourquoi former les gens au product management?

C’est un métier difficile parce qu’il n’est jamais le même selon la taille de la société et son ADN. Il existe des formations et des groupes Slack qui réunissent des product managers, et qui créent une vraie communauté, une vraie énergie. Les Meetup parisiens LPCx et la conférence annuelle LPC dont je suis ambassadrice regroupent des interventions autour du product management. C’est un métier nouveau, le partage de bonnes pratiques y est très important. Des écoles sont en train de se former, les product managers s’interrogent sur leurs carrières : c’est très stimulant de participer à cet élan.

Pensez-vous que toutes les entreprises peuvent adopter une démarche « produit » ?

Oui, dans la mesure où ton objectif est de créer des produits que les gens vont aimer utiliser. Que ce soit Toyota, une mairie ou une start-up tech, il est possible de mettre en place une organisation « produit ». En fonction de la taille de la boite ce n’est pas toujours la même organisation. Mais les obsessions du product manager restent les mêmes : l’expérience utilisateur, la priorisation et la communication. Il faut ensuite être créatif et persévérant pour créer la bonne organisation « produit », celle qui fonctionne.

Quel est votre rôle au sein de KissKissBankBank ? Quels sont vos challenges au quotidien ?

C’est une bonne question ! Mon objectif est de mettre dans les mains d’utilisateurs le meilleur produit possible et de sans cesse l’améliorer. Concrètement, il s’agit de retranscrire la vision « business » de KissKissBankBank en roadmap « produit ».

Quand je suis arrivée chez KissKissBankBank, je devais construire le pôle Produit qui n’existait pas à l’époque, alors que le produit avait déjà 7 ans. C'était un bon challenge ! Il fallait mettre en place la bonne organisation avec l’équipe tech pour que chacun puisse s’exprimer dans son talent, dans sa créativité. Avec l’équipe tech et produit, aka. « la fabrique » nous avons progressivement mis en place nos méthodes de développement, notre stratégie d’itération, notre framework de priorisation, notre « PM stack ». Nous avons décidé de la poussière que l’on souhaitait balayer sur le produit et la façon dont on allait affronter la dette technique. Et c’est grâce à la confiance des co-fondateurs de KissKissBankBank que nous avons réussi à installer du produit à ce stade de développement de la société ! Mon challenge maintenant ? Garder cette culture produit, sans cesse la questionner, quelle que soit la taille de la société.

Vous parlez de la culture « produit », en quoi cela consiste concrètement ?

Il s'agit de toujours placer les intérêts de l’utilisateur au coeur de ta stratégie. Et pour y arriver, il faut mettre en place l’organisation permettant de trouver la meilleure solution à chaque problème. Par exemple, on fonctionne par squad : dans chaque squad il y a des développeurs, un product manager, un data scientist et un designer. C’est une mini start-up qui définit son objectif et son emploi du temps. Le travail est organisé par round : deux semaines de développement suivies d’une semaine de test. (Spotify a beaucoup travaillé sur cette méthodologie, et on s’en inspire chez KissKissBankBank). Il faut faire les choses bien en temps limité, ce qui permet de prioriser, de garder un rythme de release assez régulier et, surtout, de ne pas avoir peur de faire des erreurs.

Comment évaluez-vous la qualité de vos produits ? Quels sont vos indicateurs ?

Sur chaque chantier on définit une métrique de succès. Par exemple, dans le cadre de la refonte inscription/connexion sur le site on souhaite augmenter l’inscription par Facebook pour améliorer les recommandations, et l’effet de communauté. Lors du lancement de cette fonctionnalité, nous allons itérer, faire des A/B tests pour arriver au résultat souhaité en restant focus sur cette métrique.

Quelle est votre stratégie "produit " ?

Chez KissKissBankBank, nous avons développé plusieurs services de crowdfunding : KissKissBankBank pour des projets de don contre don, hellomerci pour des petits prêts entre amis et Lendopolis pour financer des PME/TPE sous forme de prêts rémunérés. Ce développement a permis de faire grandir la société et de tester de nouveaux marchés. Notre objectif est maintenant de pouvoir proposer une solution de financement participatif pour toutes les typologies de projet : projets créatifs, projets solidaires, projets d’entreprise... Qu’est-ce que cela veut dire d’un point de vue « produit » ? Transformer nos services en plateforme pour être capables de l’enrichir au maximum : d’ancrer de nouveaux services, de mutualiser les services communs pour limiter la maintenance et la dette technique, etc. Nous avons mis en place un KIT UI permettant d’uniformiser les interfaces et d’isoler les composants qui servent l’ensemble des services, nous avons également construit des micro-services pour servir les besoins monétiques similaires de chaque service. Demain, si on construit un service dédié à la caution solidaire sous forme de peer-to-peer, on sera capables d’utiliser les briques d’expérience utilisateur et les briques tech.

D’un point de vue business, créer des plateformes c’est le démultiplier : demain la plateforme pourra être utilisée par d’autres personnes. On sera donc une boite à outils immense que tout le monde pourra utiliser pour créer son propre service de financement. C’est une vision extrême, il s’agit de penser la plateforme jusqu’au bout. On s’est récemment mariés avec la Banque Postale, un des objectifs est de mettre notre boite à outils au service d’une banque. C’est la grande ambition de KissKissBankBank.

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